dimanche 21 septembre 2008

Les Ecrits de Warren Buffett

Je vais vous parler aujourd'hui d'un des meilleurs livres qu'il m'a été donné d'entamer : Les Ecrits de Warren Buffett - Quelques leçons destinées aux investisseurs et aux managers, Lawrence A. Cunningham, 1998.

Il y a quelques jours, je suis tombé sur un blog faisant référence à Benjamin Graham. Dans le contexte, il m'a semblé que celui-ci était un statisticien ou économiste ayant travaillé sur l'étude de crises des marchés de capitaux. Heureusement, notre ami Wikipédia m'a remis dans le droit chemin de la vérité : Benjamin Graham (8 mai 1894 – 21 septembre 1976) n'est pas uniquement un économiste, c'est surtout un professeur de finance de l'Université de Columbia... le second mentor de Buffett après son père. Petite précision à toutes fins utiles : « l'oracle d'Omaha » n'est pas uniquement un des hommes les plus riches de la planète ou encore un grand donateur, c'est avant tout un financier d'expérience doublé d'un investisseur singulier de (très) long terme. Côté performances dans le temps, on ne peut qu'admirer : moyenne annuelle de 23% / an sur 36 ans...

Graham a notamment écrit L'investisseur Intelligent préfacé son élève prodigue et dont il dit que c'est « le meilleur livre jamais écrit sur l'investissement ». Rien que ça.
Ce livre traite principalement de la vision de Graham sur l'investissement et la valorisation des sociétés cotées. Il est l'un des pères du style d'investissement appelé value investment qui consiste, sur le long terme, à acheter des actions de sociétés cotées sous-évaluées par rapport à des critères financiers et stratégiques fondamentaux (bien souvent comptables). L'hypothèse de base retenue par ce type d'investisseurs est que la TEM (Théorie d'Efficience des Marchés) est fausse : les marchés ne valorisent pas instantanément toute l'information disponible. Ainsi, le marché offre des opportunités ponctuelles et rares (au cas par cas !) dans ses phases de sous-valorisation.
La tourmente actuelle est, selon moi, une période très propice à ce type d'investissements. Un exemple parmis d'autres de causes d'inefficiences : des fonds qui subissent les retraits de leurs clients frileux sont parfois obligés de céder rapidement sur le marché des titres de sociétés de qualité et/ou aux perspectives intéressantes. L'investisseur avisé aura précédemment sélectionné quelques titres à suivre et opéré une profonde analyse de leurs qualités (management, dividendes, fonds propres, trésorerie, stratégie, etc.).

Finalement, ce livre n'était pas disponible assez rapidement avant de partir en vacances. J'ai donc opté, à défaut mais par bonheur pour Les Ecrits de Warren Buffett dont il dit lui-même que c'est le livre décrivant le mieux sa philosophie. Difficile de faire autrement dans la mesure où ce livre est un recueil d'extraits de la célèbre Lettre aux actionnaires que Buffett rédige tous les ans pour les propriétaires d'actions Berkshire Hathaway (sa holding). Ce livre est très bien construit, commenté et traduit (les notes du traducteur sont d'ailleurs d'une précieuse aide pour resituer certains contextes). Un must pour quiconque s'intéresse de près à la finance, à l'investissement et au sens à lui donner.
Ne venez pas chercher dans cette littérature des conseils pour devenir trader ou gagner 75% en 3 semaines. Ici, il est question de management, du rôle des junk bonds, de la rémunération des patrons, de valorisation, de pratiques comptables, de fusions-acquisitions... et même d'arbitrage ! La liste n'est évidemment pas exhaustive mais la philosophie du Président de Berkshire est étoffée dans tous ces thèmes. En résumé, la valeur de marché de ce bouquin (autour des 35 €) est infiniment inférieure à sa valeur intrinsèque : en bon élève, on achète !

Bref, je m'écarte des objectifs initiaux de ce billet qui étaient de :
1. Référencer les nombreux critères d'investissement cités par Buffett
2. Déterminer l'avantage/inconvénient d'être institutionnel ou petit porteur dans les stratégies de value investment

Critères de value investment selon Buffett

Dans le désordre.

1. La société
  • bénéficiaire et bien établie (CA important)
  • génère des cash-flow significatifs
  • possède un avantage compétitif
  • sous-valorisée d'un point de vue fondamental
Sur la sous-valorisation, on parle ici du principe cher à Graham : la marge de sécurité.
Investir dans la valeur signifie que l'on identifie une décote entre la valeur intrinsèque que l'on calcule et la valeur de marché donnée par la capitalisation boursière. Cette décote représente la marge de sécurité de l'investissement.
Contrairement aux modèles présentés par la TEM qui évaluent le risque d'une action par rapport au marché via la volatilité relative de son cours de bourse (le bêta), la marge de sécurité est une assurance quantifiée que l'investissement est pérenne. Globalement, la valeur intrinsèque est une estimation de la valeur de la société si elle devait être vendue dans son intégralité. Il est nécessaire dans ce type de stratégie que la marge de sécurité soit supérieure à 20% : plus elle est élevée, moins le risque à long terme l'est. Si l'analyse fondamentale ne s'avère pas correcte, le risque est malgré tout assez limité, sauf à voir évoluer profondément les caractéristiques de l'entreprise.

Quelques infos supplémentaires : le Blog de RetourAbsolu.

2. Le management
  • de qualité : compétent, au service de l'actionnaire-propriétaire
  • capable de générer des cash-flow récurrents (et de préférence prévisibles)
  • capable de distribuer les résultats aux actionnaires plutôt que de le placer en réserves inutilement
Value investment : institutionnels et petits porteurs

Les value investors institutionnels ont tout de même des avantages par rapport aux petits porteurs qui servent généreusement les stratégies qu'ils peuvent décrire :

1. Accès facilité à l'information : ils peuvent se permettre de dépenser quelques deniers pour obtenir des études sur mesure d'un secteur par exemple
2. Proximité avec le managment des sociétés du portefeuille : ils sont au plus proche du plus haut niveau d'information pour chaque société
3. Facilité d'accès aux liquidités : certains actifs peuvent être utilisés comme contrepartie pour un endettement qui permet de saisir des opportunités alors qu'un petit porteur sera tenté de vendre ou de s'abstenir pour saisir les affaires que le marché lui présente
4. Auto-réalisation à court terme : même si ce type de stratégie se caractérise fortement par son horizon long terme, un investisseur important qui annonce détenir une fraction significative d'une société cotée peut à lui-seul faire monter le cours d'un titre

D'un autre côté, un investisseur à la surface financière plus modeste bénéficie des avantages suivants :

1. Simplicité relative de la fiscalité et, selon les cas, faible impact potentiel
2. Vente des titres toujours au prix du marché : pas de discount à consentir comme c'est le cas lors de transactions portant sur des blocs (dûs à leur plus faible liquidité)
3. Prises de participations non-significatives par rapport au capital total : les mouvements d'un petit porteurs passent inaperçu, ne provoquent pas de décalage violent des cours et, surtout, peuvent porter sur de faibles montants quand un institutionnel ne s'intéressera pas aux sociétés en dessous d'une certaine capitalisation (sinon, faible participation au résultat du portefeuille global par rapport au temps passé à l'analyse et au suivi)

Je suis conscient que ces arguments, dans les deux sens, peuvent ne pas s'appliquer à tous les types de value investment ni à tous les investisseurs (notamment Buffett car sa gestion de Berkshire est très singulière). Néanmoins, c'est un sujet peu abordé qu'il me semble important de mettre en valeur.

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